je les ai déjà
ces mots qui écorchent
trichent
calfeutrés sous ma langue
like
what do you mean
nothing bien sûr nada
c’est juste moi
qui se tait
cet amuïssement
se rendre muet
ce bégaiement
brute et bêta
c’est encore ça
ma voix partie
de nulle part
rebondit de la terre grasse
exilée exhibée retournée et nue
une partie perdue
invisible théorie
de l’absence
je n’ai qu’un accent
fourchu
qui ne grasseye pas
roule roule mais pas
en anglais
dans une autre langue mitigée
le speakwhite d’une révolution tranquille
le speakeasy d’un métissage éternel
le speak now or forever hold your peace
sans paix ni aise
de ma langue trébuchant
vocalises oralisées tonitruantes
toujours et en tenant le tout pour le tout
translations de peine
transitions de misère
je t’aime bien quand même
ma foi
ma langue de hart rouge
de chicot et de bois brûlé
soulevant débris deadwood détritus
mi amor loco
déferlant mots suaves et simples
au bout des lèvres
why not por qué no pourquoi pas
Un poème sur la relation d’amour-haine entretenue avec la langue française.
1. Quelles langues retrouve-t-on dans ce poème ?
2. Le français parlé est différent d’un lieu à un autre. Qu’est-ce que la poète cherche à évoquer en écrivant : « je n’ai qu’un accent / fourchu » ou encore en parlant de sa « langue mitigée », « langue trébuchant » ?
3. Le titre du poème est « transitions ». Une transition a lieu dans le ton de ce poème, qui au début est amer et à la fin, plus tendre. Faites deux listes, chacune répertoriant 3 mots (verbes, noms ou adjectifs) qui expriment l’amertume du début et la tendresse de la fin.
4. Diriez-vous que le poème « transitions » est un poème politique ? Pourquoi ?
5. Récitez le poème de Lise Gaboury-Diallo en portant une attention particulière à votre propre accent en français (ainsi qu’en anglais et en espagnol !) Soyez ouvert·es, ne jugez pas, appréciez simplement les particularités de votre accent et de celui de vos camarades.
Activité d’écriture
À la manière de la poète manitobaine, écrivez un poème en vers libres en employant librement plusieurs langues, dans la mesure de vos connaissances.
Liens utiles
Le poème « transitions » récité par Lise Gaboury-Diallo :
Le poème « Speak white » de Michèle Lalonde, récité à la Nuit de la poésie en 1970 :
Une chanson du P’tit Belliveau, bel exemple d’un parler franco-canadien : le français acadien de la Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse :
Lise Gaboury-Diallo, « Transitions », Transitions, Saint-Boniface, Éditions du Blé, 2002.